Andrée Viénot,
anticolonialiste, sous-secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports

Andrée Viénot, domaine public via Wikipedia

Andrée Viénot est née au Luxembourg, mais c’est en France qu’elle réalise la plupart de ses engagements. Issue d’une famille de riches industriels, diplômée de la London School of Economics, c’est avec son mari Pierre Viénot – qui sera dans le gouvernement du Front populaire – que débute ses engagements en politique. Fait notable, c’est elle qui adhère à la SFIO (ancètre du Parti socialiste) avant lui et l’y entraine. Ensemble, ils sont ensuite résistants. Son mari meurt pendant la guerre : elle continue seule, contribue à la reconstruction clandestine du Parti socialiste, et à la Libération, est désignée députée à l’assemblée constituante de 1946. Juste après, elle devient sous-secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports : c’est elle qui fusionne les services de ces deux domaines et crée la première … inspection générale de la jeunesse et des sports! Elle défend le développement des colonies de vacances et des équipements sportifs, et tente (mais sans succès) d’obtenir la suppression des subventions publiqes aux associations éducatives confessionnelles ou politiques (y compris celles auxquelles elle a pu appartenir). Elle met fin à ses engagements de députée pour des raisons familiales (elle est seule pour élever ses deux enfants), mais continue d’agir vigoureusement dans le contexte de la guerre d’Algérie : elle défend l’indépendance, critique la politique de guerre à outrance du gouvernement et démission de la SFIO pour cette raison. Elle intègre le comité central de la Ligue des Droits de l’Homme en 1958, et contribue à y faire vivre une approche anticolonialiste qui y est alors minoritaire. Elle est aussi pendant plusieurs années maire de sa commune, et élue départementale. Vous pouvez en savoir plus sur sa page Wikipedia, récemment enrichie.


Dire qu’on a failli passer à côté d’elle! En réalité, on l’avait repérée depuis un moment via sa notice dans le Maitron, qui mentionne qu’elle a fait du scoutisme mais … au Luxembourg (dans un groupe nommé « les campeuses bronzées de Dudelange »!). Elle ne rentrait donc pas dans les critères des Astrales… jusqu’à ce que nos recherches récentes sur d’autres femmes ayant pris position contre la guerre en Algérie nous ramènent à son nom… En fouillant un peu plus, on découvre qu’une fois installée dans les Ardennes, avec son mari, elle s’engage aussi à la FFE-neutre, dont elle sera commissaire locale. Nous voilà donc sur ses traces 🙂

Extrait de « Le Chef » decembre 1946 – via N. Palluau / A. Bordessoulles – scan Réseau Baden Powell

Pour découvrir un peu plus ses engagements, vous pouvez lire ici ses arguments, à l’Assemblée nationale en 1946, pour réserver les subventions éducatives aux associations laïques liées à l’école publique; ou ici, un article écrit en 1961 pour la Ligue des Droits de l’Homme au sujet de la situation des « Français d’Algérie » (Pieds-Noirs) dans le contexte de la guerre d’Algérie. Elle y défend l’importance d’organiser leur retour en France avec « solidarité« , tout en estimant que « le grand obstacle à la Paix en Algérie, depuis six ans, réside dans le fait que l’Algérie a été une colonie de peuplement et qu’un million de Français y vivent, s’accrochant à leurs privilèges avec une absurdité furieuse (…) il ne saurait être question pour nous, ligueurs, de sacrifier la Paix, la jeunesse française et les droits de près de 9 millions d’Algériens musulmans, aux privilèges et aux droits acquis d’un million d’Européens. (…) Leur comportement politique absurde et souvent atroce est un comportement de classe. Ils se sont conduits en classe dominante. Pourquoi ? Parce que depuis 130 ans, la France les a installés là-bas en dominateurs »

Maud