Noëlla Rouget
résistante, déportée et opposante à la peine de mort

Noëlla Rouget
Noëlla Rouget
Noëlla Peaudeau, en uniforme de guide, 1934

Elle était libre, Noëlla. Libre de choisir ses combats, libre de les assumer jusqu’au bout.

Née à Saumur le 25 décembre 1919, elle est élevée dans la foi catholique. Elle s’engage en 1941 dans la Résistance car elle ne supporte pas la présence allemande à Angers.

Arrêtée avec son fiancé, lui est fusillé, elle est envoyée dans un camp de concentration.

Arrivée à Ravensbrück fin janvier 1944 dans le convoi des 27000, Noëlla y rencontre Geneviève de Gaulle, Germaine et Emilie Tillion, Anise Postel-Vinay… Fervente catholique, prier l’aide à tenir.

À sa libération en avril 1945, elle ne pèse plus que 32 kilos et va se reposer en Suisse. Elle fait la connaissance d’André Rouget. En 1947, ils se marient en 1947 et s’installent à Genève. Ils ont deux fils.

La grâce de son bourreau

Vingt ans après, celui qui l’avait arrêtée et envoyée en camp est retrouvé. Elle le défend pour lui éviter la peine de mort et l’obtient. Elle était vraiment opposée à la sentence maximale. Noëlla entame alors une correspondance avec lui, Vasseur. “Elle ne dit pas qu’elle lui a pardonné, raconte Brigitte Exchaquet-Monnier, co-auteure de sa biographie dans un article de Réforme. Elle disait que c’est difficile. Mais elle avait cette conviction qu’un homme a quelque chose de bon en lui. Elle a cru jusqu’au bout qu’elle pourrait le faire changer et qu’il prenne conscience de ses crimes. Mais elle n’a pas réussi.”

La vie de Brigitte croise celle de Noëlla Rouget grâce à mademoiselle Irène. Son ancienne nounou de 94 ans confie à Brigitte en janvier 2009 qu’elle s’est occupée des déportées revenues des camps. En remontant la piste, Brigitte et son mari Eric font la connaissance de Noëlla qui partage avec eux l’histoire de ce chalet. Une belle amitié naît. Le couple Monnier espère publier la biographie de Noëlla Rouget avant sa disparition. “Qui connaît ces femmes dont on ne parle jamais ?” interroge Brigitte Exchaquet-Monnier.

En parallèle de leurs recherches, les Monnier interpellent un journaliste du Monde qui publie en 2019 un article sur la grande dame.

La publication déclenche un tourbillon médiatique, Noëlla est sollicitée par beaucoup de médias, peu avant de souffler ses 100 ans. Au printemps 2020, elle survit à la covid-19, confinée dans sa maison de retraite à Genève. Sa biographie sort enfin chez Tallandier, après quelques déboires éditoriaux. Brigitte et Eric vont lui montrer à la maison de retraite. “C’était un moment plein d’émotion, raconte-t-elle. Elle nous a dit : je vais le lire, je vais apprendre des choses.” Elle avait beaucoup d’humour.

Son histoire restera

“Quand Noëlla Rouget disparaitra, le livre restera.” ai-je écrit en juillet à propos de sa biographie. Le 22 novembre 2020, Noëlla s’est éteinte, à Genève, dans sa 101ème année. J’ai reçu un mail de ses biographes qui m’ont gentiment prévenue. Je ne l’ai jamais rencontrée mais après avoir lu son histoire et interviewé ses amis, j’avais l’impression de la connaître, un peu. J’étais triste et en même temps soulagée pour elle. Elle a retrouvé beaucoup de monde là où elle est.

Peu de femmes ont la chance de pouvoir lire leur propre biographie. Dans l’ouvrage qui retrace sa vie, on comprend ses motivations à lutter contre la peine de mort, à entamer une correspondance avec son bourreau, on sait aussi pourquoi elle a si peu raconté à son retour de déportation et pourquoi elle s’est mise enfin à témoigner.

Laure Salamon

À lire : Noëlla Rouget, la déportée qui a fait gracier son bourreau, Brigitte Exchaquet-Monnier et Éric Monnier, Tallandier, 256p., 19,90 euros.

Pour lire sa fiche wikipedia, c’est par ici.

Et pour écouter l’émission Affaires sensibles diffusée le 23 octobre 2020 sur France Inter, c’est par là.