Adelaïde Hautval,
médecin et résistante

Cette éclaireuse alsacienne (1906-1988), fille de pasteur, a défendu pendant toute sa vie les droits humains.

C’est une femme d’une très grande force de caractère, capable de défendre une famille juive malmenée par la police allemande pendant la Seconde guerre mondiale. Elle refuse de participer aux expériences abominables des médecins nazis dans les camps de la mort. Elle sauve de nombreuses femmes ou les aide à soulager leur souffrance dans ces camps.

Son père s’appelait Philippe Haas et était pasteur réformé ; sa mère s’appelait Sophie Kuntz. C’est la dernière de sept enfants.

Dans un entretien accordé en 1972 à un journaliste de la BBC, Adelaïde Hautval surnommée Haïdi a révélé que son père portait un intérêt particulier à la question juive. Il décrivait les Juifs comme le « Peuple du Livre », se sentait plus proche d’eux que de ses voisins catholiques et voyait également une grande analogie entre la tristesse du peuple hébreu en exil et celle d’une famille alsacienne privée de sa terre natale qu’était la France avant la guerre franco-prussienne. Elle ajoute : « Cette révérence envers les Juifs ne m’a jamais quittée. Je ne peux pas oublier qu’ils ont souffert plus qu’aucun autre peuple dans l’histoire ». C’est ce qui peut expliquer son attitude envers les juifs.

Cheftaine de la Fédération française des Éclaireuses

Scolarisée à Guebwiller, elle veut devenir médecin après avoir été soignée d’une blessure à la jambe. Ado, elle est cheftaine chez les éclaireuses protestantes de Guebwiller, au sein de la Fédération française des Eclaireuses. Après son bac, elle étudie la médecine, avec une spécialité en psychiatrie. Son père voulait changer de nom après la 1ère guerre mondiale et l’a francisé de Haas en Hautval, ce que Adelaïde fera reconnaître officiellement après la 2e guerre mondiale. Elle fonde avec son frère un institut pour enfants en difficulté et part suivre des études en Suisse en 1939. La population alsacienne est évacuée vers le Sud-Ouest. Adélaïde part à Limoges, puis à Vauclaire en Dordogne. Elle commence à travailler à Lannemazan en 1941. En 1942, elle essaye de se rendre en Alsace pour le décès de sa mère, mais reste coincée à Belfort. Pour rentrer à Lannemazan, elle envoie une valise lourde à Limoges chez une de ses amies qui est commissaire de la Fédération française des Eclaireuses. La valise se perd, Adelaïde doit retourner à Vierzon pour la chercher, en juin 1942. Elle franchit la ligne de démarcation sans laisser-passer, elle est arrêtée et transférée à Bourges. Comme elle défend une famille juive maltraitée par les soldats allemands et se confectionne une étoile jaune en papier, le SS lui dit : « Puisque vous les défendez, vous partagerez leur sort ». Elle se retrouve à porter l’étoile et un bandeau « amie des juifs ».

Envoyée dans les camps du Loiret, elle assiste à l’arrivée des juifs, arrêtés et enfermés au Vel d’Hiv. Elle vit aussi la séparation des enfants et de leurs parents. Malgré les tentatives de sa sœur et de son directeur d’hôpital, Haïdi est envoyée à la prison Orléans, puis au fort de Romainville en novembre 1942 et au camp de Compiègne. Elle réussit à écrire à sa sœur et jette des lettres du convoi en route la Pologne. Elle arrive à Auschwitz le 17 janvier 1943 et y reste jusqu’au 2 aout 1944.

Comme elle est médecin et parle allemand, elle est envoyée au block 22, à l’infirmerie, appelée le Revier. En mars 1943, le médecin chef Wirths lui demande de participer à des expériences gynécologiques, elle refuse de poursuivre quand elle se rend compte de ce qu’ils font. Un autre médecin tente de lui faire faire des anesthésies mais après la première et seule opération à laquelle elle a participé, elle refuse de poursuivre ces expériences de stérilisations au rayon X. « J’en souffre encore d’avoir fait la 1ère opération » répondra-t-elle à un journaliste qui l’interroge sur cette première opération. « C’est contraire à mes convictions », dira-t-elle à Wirths pour ne plus en faire. Au terrible docteur Mengele qui lui demande de l’assister dans ces expériences sur les jumeaux, elle répond : « Cet ordre est-il définitif ? ». « Je ne peux pas la forcer à ce qu’elle ne veut pas faire », aurait-il dit à son entourage pour expliquer le refus d’Adelaïde à sa proposition qu’elle a déclinée.

Elle tenait tête aux nazis

Pour Georges Hautpmann, le médecin qui a écrit sa biographie, le fait qu’elle ait échappée à la mort alors qu’elle a tenu tête aux nazis est assez étonnant. « Il y a un aspect mystérieux. Je pense qu’elle avait pris un réel ascendant sur les médecins », dit Georges Hautpmann. Elle parle des nazis en ces termes : « Ce sont des faibles qui cherchent à dissimuler leur faiblesse sous des rêves de compensation. Et si on leur tient tête un peu, ils sont sans réaction et sont démontés. » Les médecins étaient précieux pour les nazis, ils ont mieux survécus que les autres prisonniers, fait remarquer un observateur lors d’une conférence sur Haïdi. Une autre explication vient du fait qu’elle était « aryenne » pour les nazis et non juive. Ils pouvaient donc avoir pour elle une forme de respect.

Entre novembre 1943 et mars 1944, Adelaïde est malade du typhus mais survit. En août 1944, elle est transférée à Ravensbrück, au camp de Neuengamme. « De nous deux, le vainqueur ce n’est pas vous », a-t-elle dit au chef du camp. Renvoyée à Ravensbrück en septembre 1944. Elle soigne, épargne les femmes, les reçoit à l’infirmerie pour qu’elles se reposent, demande à ce qu’on leur mette un peu de rose sur les joues pour qu’elles aient l’air moins malades et évitent ainsi la chambre à gaz. Elle se lie d’amitié avec une détenue hollandaise, Aat Breur, qui réalise des portraits d’Haïdi. Elles resteront amies même au delà de la guerre. À la libération du camp, le 30 avril 1945, Adelaïde joue la Marseillaise sur le piano trouvée dans une maison d’un des dignitaires nazis.

Engagée contre la torture en Algérie

Elle reste pour soigner les femmes intransportables, avec Marie-Claude Vaillant-Couturier, Aat Breur et Geneviève Leider. Elle reçoit la Médaille de la reconnaissance française. En 1946, elle rédige ses souvenirs, qui seront édités bien plus tard…en 1988, puis réédités en 2006. Elle travaille au service hygiène scolaire et habite à Groslay (Val d’Oise) dans une maison qu’elle partage avec une amie connue à Strasbourg. Elle est organiste au Foyer de Grenelle à Paris. Elle dénonce la torture en Algérie et la répression d’une manifestation d’Algériens.

En 1964, elle est citée comme témoin au procès intenté par Wladyslaw Dering, un chirurgien polonais, collaborateur des médecins nazis. Il avait réussi à échapper à la justice et à s’installer à Londres. Wladyslaw Dering a porté plainte en 1962 contre l’écrivain américain Léon Uris, auteur du roman Exodus car il estimait qu’un passage du roman lui causait un grave préjudice et ruinait sa réputation. Il demandait des excuses et des dommages-intérêts. Adelaïde Hautval a témoigné pour dire que c’était possible de s’opposer aux nazis, ce que Dering prétendait impossible.

Léon Uris est à l’origine de la reconnaissance d’Adelaïde Hautval. En 1965, elle est nommée Justes parmi les nations, titre de reconnaissance de celles et ceux qui ont aidé et sauvé des juifs pendant la guerre. Adelaïde Hautval justifie son comportement et dit son refus de la lâcheté : « les événements terribles débutent par de simples gestes de lâcheté ».

Le juge Moshe Bejski, président de la commission des Justes de Yad Vashem dit d’elle qu’elle est « une des plus remarquables personnes que l’humanité a connue ».

Une école porte son nom dans son village d’origine

Le 12 octobre 1988, elle met fin à ses jours après avoir accompagné son amie jusqu’à la mort.

Un hôpital porte son nom à Villiers-le-Bel (Val d’Oise), une rue à Blaye (Gironde), une école à Guebwiller vient d’être inaugurée en 2019. Une exposition réalisée par l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine est présentée dans plusieurs lieux. Une bien maigre reconnaissance pour cette femme de convictions.

Laure Salamon

(avec l’aide du livre Rester humain ! : Leçons d’Auschwitz et de Ravensbrück (Buigraphie d’Adelaïde Hautval), éditions Ampelos, 2018, 10€.

Elle fait partie des douze femmes présentées dans le calendrier des EEUdF en 2021.

Pour lire sa fiche wikipedia, c’est par ici.

Jacqueline Fleury-Marié
résistante, déportée et survivante

Jacqueline Fleury-Marié
Couverture du livre Résistante

Samedi 12 décembre 2020, Jacqueline Fleury-Marié soufflait ses 97 bougies.

J’avais lu son livre de témoignage et je prévoyais d’aller la rencontrer. Mais vu la situation sanitaire, impossible d’aller à Versailles.

Son anniversaire offre l’occasion de se pencher sur son livre. Un bien beau témoignage. Une page m’intrigue. Elle raconte dans la prison de Fresnes comment elle communiquait avec une autre détenue en tapant des messages en morse sur les tuyaux. Elle l’a appris chez les scouts, évidemment. Elle le dit page 68. Il se trouve que la détenue qu’elle soutient est une femme que je connais un peu, Marie Médard-Fillet. Un livre sort d’ailleurs bientôt sur elle, on en reparlera !

Me voilà décrochant mon téléphone pour appeler Jacqueline Fleury-Marié pour lui souhaiter son anniversaire. Elle m’accueille gentiment au téléphone, même si elle a été visiblement interrompue dans une réunion amicale ou familiale. Il y a du monde autour d’elle.

Elle me confirme donc qu’elle a passé quelques années chez les Guides de France à Poitiers où son père avait été nommé après plusieurs années à Strasbourg et avant d’arriver à Versailles en 1939. « Le reste, vous l’avez dans le livre ! » me suggère-t-elle.

Je sais bien, je l’ai lu. Et d’ailleurs je lui dis que je voudrais bien la rencontrer un jour, quand ce sera possible.

Bon anniversaire, chère Jacqueline, et au plaisir de vous voir en vrai.

Laure Salamon

Sa fiche wikipedia est à lire là et pour lire mon article c’est par ici.

Et sinon je vous recommande la lecture de son ouvrage, elle ne parle pas de son enfance ni de son expérience scoute, mais son témoignage de résistante, déportée, survivante est passionnant.

Résistante, Jacqueline Fleury-Marié, avec Jérôme Cordelier, Calmann-Levy, 2019, 15,90€

Le centenaire de la FFE et le projet des Astrales dans Ca s’dit scout, l’émission des EEUdF

Ca s'dit scout

Diffusée le lundi 23 novembre, sur Fréquence protestante (100.7 en Ile de France et sur Internet), Ca s’dit scout, l’émission mensuelle des Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France avait pour thème le centenaire de la Fédération Française des Eclaireuses.

Maud Réveillé, à l’origine du projet des Astrales, était la première invitée de l’émission animée par Julie, Catherine et Jeanne. Elle raconte la manière dont elle a découvert que les scouts célèbres étaient presque toujours des… hommes. « Sur Scoutopedia, il y a 24 femmes et 347 hommes, sur Wikipedia, seulement 10 femmes et 91 hommes. Ce recensement se traduit aussi dans ce que les médias mettent en avant quand ils parlent du scoutisme, et dans nos récits internes et notre imaginaire. »

Maud revient sur le nom du projet des Astrales (et sinon vous pouvez aussi aller voir par là !) et répond à la critique qui consiste à dire que d’une histoire collective le projet vise à les présenter individuellement. Elle raconte son coup de cœur pour Hélène Vianney, résistante et fondatrice de l’école de voile des Glénans.

Témoignage de quatre femmes passées par le scoutisme

La parole est ensuite donnée à quatre anciennes éclaireuses ou guides : Adrienne Charmet, fondatrice de la Quadrature du net, Aude Bernheim spécialiste en microbiologie et en génétique, Zoé de Soyres, éco-féministe, Sophie Sacquin-Mora, chercheuse en biochimie et spécialiste des protéines et Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers. Chacune répond aux questions des animatrices et racontent leur parcours, leurs expériences, en quoi le scoutisme a influencé leur vie. Une bien belle émission qui valorise les femmes passées par le scoutisme ! Bravo.

Ca s’dit scout spécial Centenaire de la Fédération française des Eclaireuses, sur le site de Fréquence Protestante, sur le site des EEUdF.

Télécharger l’émission ci-dessous

Sophie Sacquin-Mora
scientifique et féministe

Sophie Sacquin-Mora
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« Ses passions ? Le féminisme, la littérature jeunesse et la science. » Sophie Sacquin-Mora, née en 1978, est physico-chimiste théoricienne au CNRS. Un peu comme une sociologue des protéines, elle développe des outils de modélisation pour décrypter leurs fonctionnalités au sein de la cellule. Son blog, « Top of the prots » vise à vulgariser le travail de recherches autour des protéines pour le grand public.

Son envie de partager ses connaissances n’est pas nouvelle. Maman de trois filles, elle avait déjà créé un blog pour donner des conseils aux parents sur les jeux et les livres pour leur progéniture.

Douze années chez les Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France

Elle a passé son enfance dans le XIIIe arrondissement de Paris. Une de ses copines l’emmène aux Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes, dans le groupe de Vieille Colline. Elle passe sept ans en branche cadette et moyenne, une année en branche aînée pendant laquelle elle part en voyage au Vietnam, quatre années en tant que responsables, où elle se fait des amis pour la vie.

Féministe, elle s’engage pour donner une plus grande visibilité aux chercheuses. Membre du réseau français de chimie théorique, elle a fait voter un nouveau règlement  qui impose une femme au moins dans la liste des conférenciers invités. « C’est souvent de la paresse intellectuelle de reprendre ceux qui sont connus. Il suffit d’y penser en amont, de noter les noms de celles qui écrivent des articles, et surtout de se dire qu’on n’invite pas ceux qu’on a déjà entendus. »

Le scoutisme lui a donné l’habitude de la coopération, du bricolage … et de la confiance en elle, comme elle témoignait dans son portrait publié par l’hebdomadaire protestant Réforme en 2019.

Elle fait partie des douze femmes présentées dans le calendrier des EEUdF en 2021.

Sophie Sacquin-Mora a été interviewée dans l’émission Ca s’dit scout spécial Centenaire de la Fédération française des Eclaireuses, à retrouver sur le site de Fréquence Protestante ou sur le site des EEUdF.

Agnès Varda
grande cinéaste

Agnès Varda, à la Berlinale 2019 © Martin Kraft, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

Agnès Varda (1928-2019) était une très grande pointure du cinéma français ! Mais pas uniquement, elle était aussi photographe et plasticienne.

« Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages » C’est ainsi que commence le film Les plages d’Agnès (2009). Elle raconte dans ce film autobiographique ses souvenirs d’éclaireuse quand elle chantait ou randonnait dans les Alpes.

En 1940, elle a découvert au sein de la FFE la joie que lui procuraient le chant choral et les jeux en pleine nature. Ils lui faisaient aussi oublier la douleur de l’exode du début de la guerre. Plus tard, elle apprendra que pendant leurs sorties en montagne, les cheftaines faisaient traverser la frontière à des petites filles juives. Elle a été d’ailleurs un temps photographe pour la FFE avant de s’illustrer brillamment dans le cinéma !

Elle est décédée dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 mars 2019.

Elle fait partie des douze femmes présentées dans le calendrier des EEUdF en 2021.

Pour lire sa fiche wikipedia, c’est par ici.