Inspecteur ? Non, appelez-moi Inspectrice ! » En 1966, Geneviève Robida (1918-2019) est la première femme en France à être nommée « Inspecteur d’académie ». Eh oui, le titre n’est pas encore féminisé … et sa nomination suscite bien des réactions ! À cette époque, l’idée qu’une femme puisse occuper un poste aussi élevé dans l’administration ne va pas de soi.
Elle a contribué au succès de la revue naturaliste La Hulotte, en commandant 1 000 exemplaires pour les écoles du département en 1972, année de son lancement.
Engagée au sein de l’Église réformée et chez les éclaireuses
L’enseignante d’anglais était très engagée dans son Église. Le sociologue Jean-Paul Willaime témoignait dans un article publié dans l’hebdomadaire protestant Réforme, peu de temps après la sa mort en juillet 2019, qu’elle était la conteuse attitrée de la paroisse pour la veillée de Noël. Elle y était monitrice pour l’école du dimanche et avait aussi créée une section des Petites ailes dans la paroisse.
Violette Mouchon, née 1893 à Paris et décédée en 1985 à la Fondation John Bost à La Force (Dordogne) est considérée comme la fondatrice des Éclaireuses Unionistes et co-fondatrice de la Cimade.
Violette Mouchon organise avec Antoinette Butte les débuts du scoutisme unioniste féminin. Elle est à l’origine de la FFE, créée officiellement en 1921. Cactus Ondulé, son nom de totem, fait partie de l’équipe de la Main, première équipe qui organise la FFE, avec Marguerite Walther, Madeleine Beley, Georgette Siegrist et Renée Sainte-Claire.
Commissaire nationale de la FFE au début de la guerre, elle participe à ce titre à la création du Comité Inter-Mouvements auprès des évacués (CIMADE). L’organisme intervient aux réfugiés dans les camps. Elle en est la présidente de 1941 à 1944, juste après Jane Pannier.
« Je fus désignée pour le camp de Noé, situé dans la région de Toulouse. J’y arrivai au printemps de 1947. […] Je n’étais pas attendue ni surtout désirée par l’administration du camp. […] Mon travail consistait pour une part à correspondre avec les familles […] Mais ma tâche principale était de recevoir les prisonniers, d’entendre leurs confidences, leurs confessions. Combien j’en ai reçus et que de désespoirs se sont exprimés devant moi ! »
En parallèle de son engagement à la Cimade, elle est toujours commissaire nationale adjointe au sein de la FFE, chargée des rapports avec les Éclaireurs Israélites. En 1948-49, elle quitte la FFE. Elle garde de forts liens avec Antoinette Butte et Denise Gamzon, femme du fondateur des Eclaireurs Israélites, qu’elle va voir en Israël.
Visite à Pomeyrol où Antoinette Butte s’est engagée dans la vie religieuse.
À la mort de son amie Denise Sterberg, en 1980, elle part vivre à la Force, dans une maison de la Fondation John Bost. Elle meurt le 2 juillet 1985.
Elle était libre, Noëlla. Libre de choisir ses combats, libre de les assumer jusqu’au bout.
Née à Saumur le 25 décembre 1919, elle est élevée dans la foi catholique. Elle s’engage en 1941 dans la Résistance car elle ne supporte pas la présence allemande à Angers.
Arrêtée avec son fiancé, lui est fusillé, elle est envoyée dans un camp de concentration.
Arrivée à Ravensbrück fin janvier 1944 dans le convoi des 27000, Noëlla y rencontre Geneviève de Gaulle, Germaine et Emilie Tillion, Anise Postel-Vinay… Fervente catholique, prier l’aide à tenir.
À sa libération en avril 1945, elle ne pèse plus que 32 kilos et va se reposer en Suisse. Elle fait la connaissance d’André Rouget. En 1947, ils se marient en 1947 et s’installent à Genève. Ils ont deux fils.
La grâce de son bourreau
Vingt ans après, celui qui l’avait arrêtée et envoyée en camp est retrouvé. Elle le défend pour lui éviter la peine de mort et l’obtient. Elle était vraiment opposée à la sentence maximale. Noëlla entame alors une correspondance avec lui, Vasseur. “Elle ne dit pas qu’elle lui a pardonné, raconte Brigitte Exchaquet-Monnier, co-auteure de sa biographie dans un article de Réforme. Elle disait que c’est difficile. Mais elle avait cette conviction qu’un homme a quelque chose de bon en lui. Elle a cru jusqu’au bout qu’elle pourrait le faire changer et qu’il prenne conscience de ses crimes. Mais elle n’a pas réussi.”
La vie de Brigitte croise celle de Noëlla Rouget grâce à mademoiselle Irène. Son ancienne nounou de 94 ans confie à Brigitte en janvier 2009 qu’elle s’est occupée des déportées revenues des camps. En remontant la piste, Brigitte et son mari Eric font la connaissance de Noëlla qui partage avec eux l’histoire de ce chalet. Une belle amitié naît. Le couple Monnier espère publier la biographie de Noëlla Rouget avant sa disparition. “Qui connaît ces femmes dont on ne parle jamais ?” interroge Brigitte Exchaquet-Monnier.
En parallèle de leurs recherches, les Monnier interpellent un journaliste du Monde qui publie en 2019 un article sur la grande dame.
La publication déclenche un tourbillon médiatique, Noëlla est sollicitée par beaucoup de médias, peu avant de souffler ses 100 ans. Au printemps 2020, elle survit à la covid-19, confinée dans sa maison de retraite à Genève. Sa biographie sort enfin chez Tallandier, après quelques déboires éditoriaux. Brigitte et Eric vont lui montrer à la maison de retraite. “C’était un moment plein d’émotion, raconte-t-elle. Elle nous a dit : je vais le lire, je vais apprendre des choses.” Elle avait beaucoup d’humour.
Son histoire restera
“Quand Noëlla Rouget disparaitra, le livre restera.” ai-je écrit en juillet à propos de sa biographie. Le 22 novembre 2020, Noëlla s’est éteinte, à Genève, dans sa 101ème année. J’ai reçu un mail de ses biographes qui m’ont gentiment prévenue. Je ne l’ai jamais rencontrée mais après avoir lu son histoire et interviewé ses amis, j’avais l’impression de la connaître, un peu. J’étais triste et en même temps soulagée pour elle. Elle a retrouvé beaucoup de monde là où elle est.
Peu de femmes ont la chance de pouvoir lire leur propre biographie. Dans l’ouvrage qui retrace sa vie, on comprend ses motivations à lutter contre la peine de mort, à entamer une correspondance avec son bourreau, on sait aussi pourquoi elle a si peu raconté à son retour de déportation et pourquoi elle s’est mise enfin à témoigner.
Laure Salamon
À lire : Noëlla Rouget, la déportée qui a fait gracier son bourreau, Brigitte Exchaquet-Monnier et Éric Monnier, Tallandier, 256p., 19,90 euros.