Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur Denise Capriroli. Un nom dans un livre d’or EDF, dans la rubrique « Services civils de guerre« , qui indique qu’elle était cheftaine d’une meute de louveteaux à Hirson, dans l’Aisne.
Elle est visiblement membre des Forces françaises Intérieures (FFI), comme infirmière : c’est à ce titre qu’elle obtient à titre posthume la médaille de la Résistance. Elle est tuée lors des combats pour la libération de Hirson, la ville où elle était cheftaine, alors qu’elle allait avoir 20 ans. Une rue y porte aujourd’hui son nom.
Une notice du fameux dictionnaire Maitron lui est consacrée.
La première chose qui m’a attirée vers Rosine Crémieux, c’est son visage et sa silhouette sur la couverture de son livre La Traine-Sauvage (et aussi le titre de ce livre, énigmatique et attirant). Pendant longtemps, elle est restée sur notre liste sans que l’on puisse s’atteler à sa fiche Wikipedia (il nous manquait une source nationale pour coller aux critères). Les choses viennent de se débloquer, et on a donc pu créer sa page.
Après avoir été éclaireuse neutre, Rosine Crémieux est jeune résistante, elle fait fonction d’infirmière auprès d’un hôpital de campagne dans le Vercors, dont toute l’équipe se réfugie dans une grotte du fait des combats. La Wehrmacht donne l’assaut de la grotte, fusille la majorité des blessés sur place, d’autres le lendemain … et emprisonne puis déporte à Ravensbrück les 7 infirmières. Rosine Crémieux est donc déportée comme résistante (et non comme juive). Dans les parcours que nous avons retracé, et malgré le grand nombre de résistantes mortes en déportation, on a l’impression que cela signifie une possibilité d’être rescapée supérieure (à comparer avec le parcours de Madeleine Lévy, également résistante et arrêtée à ce titre, mais déportée comme juive et morte à Auschwitz). Plus tard, elle est psychologue et psychanalyste de l’enfant. Elle co-fonde aux côtés de grands noms, la revue Psychiatrie de l’enfant, dont elle est un pilier jusqu’à sa mort.
Dans cet article de Libération, on retrouve ce qui touche aussi dans son parcours : son rapport joyeux, presque insouciant, à ses premiers engagements. « La Résistance, à 20 ans, c’est facile et joyeux. On rejoint les gens avec qui on a envie d’être quand on a cet âge-là » dit-elle.
Denise Joussot est entrée « tardivement » dans le scoutisme laïque, comme cheftaine à la FFE-neutre. Elle devient commissaire de province, puis commissaire nationale de branche. C’est à ce titre qu’elle œuvrera ardemment, avec Jean Estève, à la fusion des éclaireuses neutres et des Éclaireurs de France, pour donner naissance au « nouveau mouvement » des EEDF en 1964. Cette fusion sera aussi le début de la fin pour la FFE, chaque section travaillant alors à construire un mouvement coéduqué de son côté.
Denise Joussot a également été reconnue Juste parmi les Nations, pour avoir caché une de ses éclaireuses qui était juive, ainsi que sa famille, pendant la guerre. Elle a écrit un livre compilant témoignages et explications sur les Eclaireuses pendant la guerre en Rhône-Alpes.
« Cher Monsieur […] aurez-vous encore l’inconscience ou la témérité de nous envoyer vos enfants, pour que nous les aidions à devenir des hommes libres et généreux, dont la vie sera heureuse et difficile ? Car la liberté et la fraternité sont des biens qui coûtent cher, Monsieur, mais nous ne croyons pas que l’homme puisse réunir son bonheur s’il n’est malgré tout libre et fraternel«
Madeleine Lévy est la petite-fille d’Alfred Dreyfus, ce qui explique sans doute que son parcours retienne l’attention plus que d’autres. Éclaireuse neutre à Paris, elle s’exile à Toulouse dans le contexte de la guerre et des persécutions contre les personnes juives. Elle y est assistante sociale, et résistante au sein du mouvement Combat. Surveillée par la Gestapo, elle est arrêtée par la milice en 1943, puis déportée comme juive à Auschwitz. Elle y meurt en 1944.
Après quelques améliorations de notre part, vous pouvez trouver plus d’infos sur sa page wikipédia!
Pour le projet des Astrales, Mylaine Weil (née Veil), 99 ans, a accepté de raconter quelques souvenirs de ses années d’éclaireuses, ainsi que ses rencontres avec Adelaïde Hautval.
« J’étais éclaireuse à Nancy. Je me souviens du clan des Abeilles… du local du Haut-du-Lièvre où avaient lieu chaque semaine nos réunions du jeudi. Je me souviens des cheftaines dont l’une, Tatchou, sera une active résistante dans les années 42-45 (Geneviève Pittet). Je me souviens aussi d’une rencontre dans les Vosges avec les Éclaireuses de Strasbourg et leur cheftaine Adelaïde Hautval. »
Dans un récent documentaire sur Adelaïde Hautval, dite Haidi (1906-1988), Daniel Cling a raconté le parcours de cette médecin psychiatre protestante, envoyée à Auschwitz pour avoir défendu une famille juive. C’est grâce à ce documentaire que j’ai eu connaissance de l’histoire de Mylaine et que j’ai cherché à retrouver sa trace. Comme j’avais interviewé sa soeur Janine, je n’ai pas eu trop de mal à la retrouver. Elle m’a gentiment reçue à l’automne 2021 chez elle à Paris.
En 1940, Mylaine et sa famille quittent la Lorraine et s’installent à Grenoble où, à la demande de Margot Mörch et avec son aide, Mylaine créée une petite section d’éclaireuses neutres. « Comme Tatchou, Margot s’est impliquée dans des groupes de résistance… et elle a aidé et caché des tas de gens. » Margot Mörch était sous-directrice du foyer de l’étudiante à Grenoble. En février 1944, Mylaine, issue d’une famille juive, est déportée à Auschwitz-Birkenau.
« Le scoutisme m’a certainement bien aidé à tenir le coup…, m’a-t-elle confiée. Et puis j’ai eu cette chance de retrouver Haidi Hautval pendant mon court « séjour » au Revier (l’infirmerie du camp). Elle y était médecin et… je l’ai reconnue. “Vous avez une tête de cheftaine d’éclaireuses”, lui ai-je dit. Je me souviens bien de ma surprise et de cette phrase bien peu respectueuse… mais le respect au camp… Grâce à elle, je me suis retrouvée au « Canada », commando le moins mauvais à Auschwitz. Tout était question de hasard. Une succession de chances m’a permis de revenir. »
Après la guerre, Mylaine s’est mariée, a eu cinq enfants. Elle a repris ses études, est devenue psychologue, a exercé comme rééducatrice du langage écrit et a continué à la retraite dans des groupes de soutien scolaire. Aujourd’hui, elle est à la tête d’une tribu de 12 petits-enfants, 25 arrières-petits-enfants, dont certains ont tâté du scoutisme.
Elle cite les noms de Liliane Klein-Lieber ; Juliette Vidal et Marinette (Juste parmi les nations, résistantes), Geneviève Pittet, mariée à Priacel (Tatchou). « Voilà des femmes qu’il ne faut pas oublier », conclut-elle.
Jane Sivadon (1901-1995), de son vrai nom Jeanne Lucie Eugénie Sivadon, s’est illustrée par son travail d’assistante sociale et de résistante. Elle était membre de la Fédération française des Eclaireuses et a créé avec une amie une section neutre.
Selon la fiche du maitron, dictionnaire en ligne du mouvement ouvrier et du mouvement social, Jane Sivadon a suivi la formation de l’Ecole des surintendantes d’usine à Paris pour aider les autres.
Cette école, inspirée du modèle anglais, formait des femmes pour intervenir dans les usines, en veillant à la santé physique et morale des ouvrières, ainsi que de jouer un rôle de médiation entre les ouvrières et la direction.
En juillet 1933, elle est appelée pour venir travailler dans l’Ecole des surintendantes d’usine dont elle devient directrice en 1939.
Elle y rencontre Berty Albrecht, héroïne de la Résistance et co-fondatrice du mouvement Combat. Jane Sivadon s’engage dans la Résistance et l’Ecole qu’elle dirige devient un « nid » de Résistance.
Andrée Viénot est née au Luxembourg, mais c’est en France qu’elle réalise la plupart de ses engagements. Issue d’une famille de riches industriels, diplômée de la London School of Economics, c’est avec son mari Pierre Viénot – qui sera dans le gouvernement du Front populaire – que débute ses engagements en politique. Fait notable, c’est elle qui adhère à la SFIO (ancètre du Parti socialiste) avant lui et l’y entraine. Ensemble, ils sont ensuite résistants. Son mari meurt pendant la guerre : elle continue seule, contribue à la reconstruction clandestine du Parti socialiste, et à la Libération, est désignée députée à l’assemblée constituante de 1946. Juste après, elle devient sous-secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports : c’est elle qui fusionne les services de ces deux domaines et crée la première … inspection générale de la jeunesse et des sports! Elle défend le développement des colonies de vacances et des équipements sportifs, et tente (mais sans succès) d’obtenir la suppression des subventions publiqes aux associations éducatives confessionnelles ou politiques (y compris celles auxquelles elle a pu appartenir). Elle met fin à ses engagements de députée pour des raisons familiales (elle est seule pour élever ses deux enfants), mais continue d’agir vigoureusement dans le contexte de la guerre d’Algérie : elle défend l’indépendance, critique la politique de guerre à outrance du gouvernement et démission de la SFIO pour cette raison. Elle intègre le comité central de la Ligue des Droits de l’Homme en 1958, et contribue à y faire vivre une approche anticolonialiste qui y est alors minoritaire. Elle est aussi pendant plusieurs années maire de sa commune, et élue départementale. Vous pouvez en savoir plus sur sa page Wikipedia, récemment enrichie.
Dire qu’on a failli passer à côté d’elle! En réalité, on l’avait repérée depuis un moment via sa notice dans le Maitron, qui mentionne qu’elle a fait du scoutisme mais … au Luxembourg (dans un groupe nommé « les campeuses bronzées de Dudelange »!). Elle ne rentrait donc pas dans les critères des Astrales… jusqu’à ce que nos recherches récentes sur d’autres femmes ayant pris position contre la guerre en Algérie nous ramènent à son nom… En fouillant un peu plus, on découvre qu’une fois installée dans les Ardennes, avec son mari, elle s’engage aussi à la FFE-neutre, dont elle sera commissaire locale. Nous voilà donc sur ses traces 🙂
Pour découvrir un peu plus ses engagements, vous pouvez lire ici ses arguments, à l’Assemblée nationale en 1946, pour réserver les subventions éducatives aux associations laïques liées à l’école publique; ou ici, un article écrit en 1961 pour la Ligue des Droits de l’Homme au sujet de la situation des « Français d’Algérie » (Pieds-Noirs) dans le contexte de la guerre d’Algérie. Elle y défend l’importance d’organiser leur retour en France avec « solidarité« , tout en estimant que « le grand obstacle à la Paix en Algérie, depuis six ans, réside dans le fait que l’Algérie a été une colonie de peuplement et qu’un million de Français y vivent, s’accrochant à leurs privilèges avec une absurdité furieuse (…) il ne saurait être question pour nous, ligueurs, de sacrifier la Paix, la jeunesse française et les droits de près de 9 millions d’Algériens musulmans, aux privilèges et aux droits acquis d’un million d’Européens. (…) Leur comportement politique absurde et souvent atroce est un comportement de classe. Ils se sont conduits en classe dominante. Pourquoi ? Parce que depuis 130 ans, la France les a installés là-bas en dominateurs »
Isaure Luzet débute le scoutisme enfant au sein d’une section neutre de la FFE. Elle sera par la suite cheftaine au sein de la section Paris-Luxembourg puis s’engagera comme cadre.
En 1920, elle devient l’une des premières femmes pharmaciennes de France. Installée à Grenoble, elle participe, durant la seconde guerre mondiale, à un réseau de résistance lié au couvent de notre dame de Sion, en face de sa pharmacie. Elle contribue à ce réseau en convoyant des enfants juifs et en leur fournissant de faux papiers. Son appartement personnel permet aux sœurs du couvent de mettre à l’abri les fugitifs lorsqu’une visite des allemands est annoncée ou que le couvent est surveillé. Son uniforme d’éclaireuse lui permet de passer inaperçu lors de ses missions.
Elle collabore aussi avec Liliane Klein-Lieber, membre de la sixième (groupe de résistants juifs au sein des Éclaireurs Israélites). Elle est aussi membre du réseau de parachutage Mathilda des forces françaises combattantes (FFC) et du réseau Périclès.
Après la guerre Isaure Luzet est élue conseillère municipale. Durant la même période, elle est impliquée dans l’affaire Finaly.
Éclaireuse FFÉ-neutre, Anne Wahl (née Olkowsky) quitte, à 16 ans, en vélo, la Lorraine envahie. Une ‘explo’, un exploit?! Devenue infirmière, elle travaille au sanatorium de Prélenfrey (38) où elle protège des enfants juifs, malades ou pas. Elle organise les plus grands en équipes scoutes. Là, à la croisée de chemins de résistance, elle trouve des Éclaireurs, auxquels elle se lie et rend « des services ». Par son sang froid elle sauve les hommes du village suspectés d’être maquisards. La guerre finie : sa famille, l’information sexuelle scolaire, le transport scolaire, les activités associatives pour la population, son métier puis la collaboration à l’entreprise de son époux, sont ses engagements. Médaillée pour la résistance, elle est aussi reconnue Juste parmi les Nations.
Comment ai-je découvert son parcours ?
Correspondante régionale PACA de l’Association des Anciens Éclaireurs et Eclaireuses, j’ai été en contact avec de nombreuses personnes, qui racontaient… J’ai commencé un recueil de témoignages, car ces paroles, ces écrits, ces photos, ne pouvaient pas être que pour moi et je me suis rapprochée de l’Association pour l’Histoire du Scoutisme Laïque. Matka, une ancienne éclaireuse de Marseille, m’a parlé de son clan EDF avant et pendant la guerre. Nicole Clarence en a fait partie. Matka est encore en contact amical avec ceux qui restent… Toute leur vie, ce qu’ils avaient vécu, même de loin, les soudait. Elle m’a offert le livre de Bernard Delaunay, frère d’Anne, que j’avais rencontré à la Journée de la mémoire AHSL-EEDF (2013) sur l’engagement en résistance, le sien. Je n’ai pas lâché la piste … j’aime les personnes rencontrées, dont Mme Wahl.
En elle, j’ai trouvé une FFÉ : simple, intelligente, sereine et se connaissant bien, ouverte aux autres, engagée par l’action quand un problème collectif à résoudre se présentait, sans vouloir être élue locale. D’où mon envie de la faire connaître dans notre mouvement, comme exemple de mise en pratique de ses valeurs. Le centenaire FFE est un bel écrin pour cela et pour la faire connaître à l’extérieur de nos sphères. De son ouvrage réservé à sa famille, elle dit : « Le désir d’écrire est celui de fixer pour se souvenir et mieux juger ». Ce « mieux juger», à 90 ans, dit toute la qualité de la personne, qui en se remettant encore en cause, aide à réfléchir.
Vous pouvez lire une fiche plus détaillée, où elle témoigne notamment de ses actions durant la guerre, et qui présente davantage d’informations sur ses engagements ultérieurs.