Quand j’ai écrit ce portrait, le titre m’est venu en premier. En écoutant Martine parler de tous ses engagements passés et actuels, et de ceux qu’elle partageait avec son mari, j’entendais presque le téléphone « sonner sans arrêt » ! Aujourd’hui, Martine a deux téléphones : un pour les amis et la famille. L’autre pour assurer la permanence d’écoute téléphonique de l’UNAFAM, l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques du département de la Drôme.
Des téléphones, Martine Baud en a souvent deux sur elle. Un pour les amis et la famille – 6 enfants, 15 petits-enfants sans compter ses frères et sœurs, neveux et nièces, toute une tribu vivant en France ou à l’étranger. Et un autre pour assurer la permanence d’écoute téléphonique de l’UNAFAM, l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques du département de la Drôme. « En moyenne, 5 appels par semaine. Des familles désemparées à l’annonce de la maladie, qui ne savent plus que faire face aux comportements, aux hallucinations de leur proche … Il faut être disponible pour écouter et accompagner. Je suis de garde une semaine sur cinq ! »
« Être de garde », la famille sait bien ce que ça signifie. Pierre, le mari de Martine, était médecin généraliste. En 1966, quand ils s’installent à La Bégude-de-Mazenc, dans la Drôme, il devient médecin de campagne, avec toute la disponibilité que cela sous-entend.
« Ici, le téléphone sonnait 24h/24. Le cabinet médical était à la maison et l’activité principale de ma mère, c’était de s’en occuper : répondre au téléphone, s’occuper du courrier et de l’administratif, vérifier que le cabinet était nettoyé, noter les résultats d’examen communiqués par les laboratoires … » se souvient Candice, une de leurs filles.
L’immense maison est ouverte et ne désemplit pas. Car chez les Baud, l’engagement est permanent.
Dans la salle à manger, le paperboard est toujours installé, témoin d’innombrables réunions : formations scoutes, réunions paroissiales, rencontres UNAFAM…
Dès son arrivée à la Bégude, Martine s’implique dans le Mouvement Jeunes Femmes et part animer des formations dans toute la France sur la conduite de réunions, les relations inter-personnelles, l’expression écrite et orale et l’écoute. Dans une des chambres, une ligne téléphonique particulière est réservée aux permanences téléphoniques pour les femmes battues, « combat malheureusement toujours d’actualité », assurées désormais par le numéro national 3919. « J’ai vécu les combats dans la lutte pour le droit à l’IVG, que Jeunes Femmes a mené en lien avec l’association Choisir fondée par Gisèle Halimi. Pierre m’a beaucoup encouragée : par son métier, il avait été témoin en région parisienne des drames des avortements clandestins. »
Le couple est aussi très impliqué dans la paroisse. Pendant plus de 30 ans, Martine s’occupe de l’école biblique ; elle est désormais membre du Conseil Presbytéral dont elle est déléguée au synode.
A l’écouter, on a du mal à croire qu’elle a été l’enfant extrêmement timide qu’elle décrit. « Le
scoutisme m’a vraiment aidée. On t’apprend très jeune à prendre des responsabilités, à te donner confiance en toi. On t’amène à penser que ton avis est important et que tu as le droit de dire ce que tu penses. » Le scoutisme, c’est d’ailleurs une affaire de famille. On ne compte plus les responsables, les cadres nationaux ou les coordonnateurs de région. Dès les débuts du scoutisme, les parents de Martine sont impliqués. Son père, Jacques Peugeot, est chef à Passy, sa mère, Edith Genoyer, à Marseille-Grignan.
Martine, elle, commence petite aile à Neuilly-sur-Seine, puis éclaireuse et cheftaine à Versailles. Elle y fait deux rencontres essentielles : son amie de toujours, Jacqueline Westercamp (née de Bary), et son futur mari alors chef routier. Elle garde en mémoire la Loi des Éclaireuses qui rappelle de servir les autres, des principes d’hygiène (« la fille qui ouvre sa fenêtre pour aérer ! »), l’amour de la nature et une aversion pour le patriotisme et la totémisation. Sans oublier la capacité à faire des nœuds et le couteau toujours dans la poche ! Plus encore, elle développe une bonne capacité à ne pas être trop impressionnée quand il y a des problèmes. « Il y a ce chant qui m’a marquée, L’espérance, dont un couplet finit ainsi : « Même le plus noir nuage a toujours sa frange d’or… ».
Elle passe également par l’école de voile des Glénans. Apprenant que des camps similaires ont lieu en Corse avec la possibilité d’y faire de la plongée sous-marine, elle s’y rend, apprend à plonger avec des bouteilles et devient une des premières femmes à obtenir son diplôme de monitrice en 1959.
Sa mère pousse ses enfants, notamment ses filles, à faire des études et à être indépendante. Pour Martine, ce seront des études d’anglais et un début dans l’enseignement, avec des expériences atypiques, que ce soit auprès des enfants atteints de poliomyélite à l’hôpital de Garches ou au lycée expérimental de Sèvres. Et pendant ses études et quelques cours séchés côté Quartier Latin, la découverte d’une passion : le cinéma. Aujourd’hui, Martine fait partie de l’association Pro-Fil, fondée par Jean Domon en 1992 qui a pour vocation de faire se rencontrer des cinéphiles chrétiens et de débattre des films vus ensemble. « Et nous avons la chance d’aller chaque année à Cannes !
Peu de gens savent qu’on peut voir gratuitement beaucoup de films pendant le festival ! »
La passion se transmet à certains enfants sans qu’on sache toujours bien comment. Leur fille Candice est aujourd’hui chef-décoratrice sur les plateaux. « Pourtant, la première fois que je suis allée au cinéma, j’avais 16 ans et c’était avec le lycée ! » Olivier et David, alors adolescents, passaient des jours et des jours à faire des petits films de cinéma d’animation. Olivier habite aujourd’hui Clermont-Ferrand, « bien pratique pour aller voir le Festival international du court-métrage ! »
C’est l’heure d’aller s’occuper des fleurs pour le temple, il y a culte à La Bégude demain, comme tous les 3e dimanches du mois. Cette semaine, Martine n’était pas de garde, le téléphone a moins sonné. Pour le goûter, Carine, sa fille, apporte les gâteaux qu’elle a confectionnés. C’est pour qu’elle devienne, elle aussi, indépendante que Pierre, toujours secondé par Martine, s’est démené pour implanter à Dieulefit une entreprise adaptée, puis un foyer d’hébergement, à destination des personnes malades psychiques. Carine y travaille depuis 20 ans dans le secteur de la blanchisserie.
La schizophrénie qu’elle a développée à l’adolescence a rendu toute la famille encore plus engagée et solidaire. La priorité pour Martine, quand elle reçoit les appels pour l’UNAFAM, c’est avant tout que la famille tienne : « Si elle lâche, c’est dur d’aider. » Martine sait que la condition, c’est de pouvoir parler. Et que pour cela, il faut être écouté.
UNAFAM
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