« Si je ne m’étais pas engagée, j’aurais eu l’impression de me renier »
Monique Hervo a 92 ans aujourd’hui, elle vit dans une caravane d’un camping de l’Aube, et répond toujours vaillante au téléphone pour dire ce qu’elle a vécu, et surtout ce qu’elle a vu.
Grandie dans une famille prolétaire de Paris, guide de France, elle se forme à la verrerie d’art et rénove des vitraux pendant quelques mois avant de bifurquer définitivement, en 1956, en intégrant le Service civil international (une association réunissant l’époque des objecteurs de conscience au service militaire, ancrée dans un courant pacifiste). En 1959, elle découvre dans la presse qu’il y a des bidonvilles en France : c’est l’époque du recrutement massif de travailleurs immigrés pour venir travailler en France, accueilli pour beaucoup dans des conditions indignes de logement : des cabanes construire de bric et de broc, pas d’eau, pas d’électricité, pas de gestion des déchets. Certains y vivent pendant plus de dix ans avec leur famille. Monique Hervo découvre un des plus grands : le bidonville de la Folie à Nanterre. Venue y donner un coup de main ponctuel, elle s’y installe et y vit « une vie partagée » avec les Algérien-nes pendant 12 ans, jusqu’à ce qu’il soit rasé.
Cette époque, c’est celle de la guerre d’Algérie, qui se déroule aussi sur le sol français. Dans le bidonville de la Folie, c’est le Front de Libération Nationale (FLN) qui est bien implanté. Monique Hervo défend l’indépendance algérienne, et est témoin aussi des brutalités et du harcèlement policier incessant, du mépris des voisins, de la solidarité mais aussi des contraintes imposées par le FLN aux habitants. Le 17 octobre 1961, on l’invite à marcher avec les Algérien-nes dans la manifestation voulue pacifique de protestation contre le couvre-feu imposé : elle est témoin des violences, des meurtres, des disparitions. Plus tard, elle en témoignera en justice contre le préfet de police Maurice Papon.
Après la « résorption » de ce bidonville, elle continue ses engagements sur la question du mal-logement et ce qui finira par s’appeler « le droit des étrangers » : elle est là à la fondation du GISTI, travaille plusieurs années à la CIMADE, et surtout, se met à publier et diffuser des centaines et centaines de photos, notes, enregistrements… accumulés pendant les 12 ans à la Folie. Accumulés volontairement : pour qu’il y ait des « preuves ». Ce fond documentaire est aujourd’hui un incontournable du matériau historique sur les bidonvilles franciliens des années 1960.
Pour aller plus loin, vous pouvez lire notamment cette interview, ou regarder cet entretien, ou consulter certaines de ses photos en ligne (ici, ou ici, ou ici par exemple – fonctionne mieux sous Chrome).
Monique Hervo se souvient encore assez nettement de ses années de scoutisme. Elle entre aux Guides de France, en 1939, par choix personnel. Elle a commencé aux guides de Vincennes, puis a décidé de rejoindre celles de Belleville, dans un quartier plus populaire. En tant que guide, elle se souvent qu’elle pouvait ne pas payer le métro. Elle participe au défilé des jeunes scouts sur les Champs-Elysées, devant le général de Gaulle à la fin de la guerre. Elle se souvient surtout d’avoir brancardé des déporté-es de retour du camp de Buchenwald, à la sortie des trains, « ils étaient si légers », alors qu’une fanfare triomphante jouait la Marseillaise. Un peu après, elle est cheftaine pendant deux ans à l’hôpital de Garches, pour des jeunes atteint de poliomyélite. Elle prend ensuite d’autres engagements et ne continue pas avec les Guides.
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Sa page Wikipedia est ici, et il ne lui manque qu’une photo sous licence libre !
Maud