Gisèle Timmermans

Imaginez un décor à la Marcel Pagnol, mettez en fond quelques chants d’éclaireuse et venez découvrir les souvenirs d’éclaireuse de Gisèle Timmermans et comment le scoutisme a contribué à façonner sa façon de vivre son métier et ses nombreux engagements ! 


Quand on lui a proposé de parler de ses années d’éclaireuse, Gisèle Timmermans n’a pas hésité une seule seconde. Et pour cause : elle n’en garde que des bons souvenirs ! « Sauf peut-être les jeux de ballon… », concède-t-elle. Ce n’est pas faute d’en avoir eu envie… mais il est bien dur de rattraper une balle quand on souffre de strabisme. Gisèle ne s’attarde ni sur les traitements et les opérations des yeux – sans anesthésie – ni sur les remarques et moqueries régulières de son enfance. Elle préfère y voir une expérience qui a renforcé sa force de caractère. Gisèle se définit comme une battante.

Née en 1942 à Aubagne, Gisèle Bocognano grandit en plein cœur de Marseille, dans une famille heureuse et aimante. Sa mère appartient à la famille Fraissinet, riches armateurs protestants. Son père, un corse catholique converti au protestantisme, est d’un milieu très modeste. La guerre le laisse trop marqué pour qu’il puisse continuer son travail. C’est donc sa mère, qui avait eu l’autorisation « exceptionnelle dans son milieu » de travailler en tant qu’infirmière pendant la guerre, qui continue son métier, devenant directrice du tout premier service de radiologie de l’hôpital protestant Ambroise Paré. « La pauvreté, je sais ce que c’est, mais je n’en ai pas souffert. » se souvient Gisèle. « Chez nous, pas de beurre, pas de confiture, mais une joie familiale quotidienne ! ».

Ses parents l’inscrivent avec ses trois frères chez les scouts. A 10 ans, Gisèle devient donc Petite Aile dans la paroisse de Menpenti, éclaireuse en 1955 puis éclaireuse-ainée en 1958. Les réunions ont lieu presque tous les dimanches et les jeudis, dans le local jouxtant la chapelle de l’hôpital Ambroise Paré. Les jeudis se passent sur place et sont dédiés aux activités « sérieuses » comme tricoter des couvertures pour les personnes dans le besoin.

Les dimanches réveillent les souvenirs « à la Marcel Pagnol »… Quelques stations de tramway et voilà les éclaireuses dans les collines, allumant un feu ou même fabriquant un four pour faire cuire des tartes aux pommes, s’écorchant les jambes en passant au milieu des argéras, rusant de mille tours pour les jeux d’approche – les préférés de Gisèle !
Balades, jeux et chants mimés rythment la journée qui se termine souvent par une lecture du Livre de Lézard, un ensemble de réflexions sur la vie scoute, des prières et des poésies écrites par une éclaireuse genevoise. Gisèle aime particulièrement ce moment de réflexion et de partage. Elle revoit encore sa cheftaine et marraine de promesse, Adine Granjon, en train de lire. Cette dernière est très importante dans la vie de Gisèle. Elle lui fait découvrir Dvorak, Anouilh, le gospel, et lui offre surtout, par sa bienveillance et l’affection donnée, les moyens de s’épanouir davantage.

Une fois par an, pour la fête annuelle du groupe local, les éclaireuses troquent leur uniforme (béret marron, blouson marron, gilet beige, cravate verte, jupe et ceinturon) contre des déguisements soignés. Un des rares moments où filles et garçons se côtoient ! Chaque groupe prépare une pièce de théâtre ambitieuse – comme ce spectacle sur la Fondation de Marseille accompagné d’une musique de Berlioz.

Les 5 objets utiles de l’éclaireuse

  • un crayon
  • un papier
  • de la ficelle
  • un couteau
  • un mouchoir

Gisèle ne campe pas souvent l’été mais elle se souvient du camp de Torre Pellice en 1956. Lever aux couleurs, chants, promesse, moments spirituels « qui nous faisaient vivre » sont autant de souvenirs forts. C’est aussi l’année où elle est totémisée « Scaf », du nom d’un petit phoque blanc dans un album du Père Castor, avec comme adjectif « complaisante » – aujourd’hui, on dirait prévenante, serviable. Sa totémisation est un moment de « bizutage pas méchant » et elle garde précieusement l’album de Scaf le phoque !


Après une année d’éclaireuse-ainée à faire de l’animation pour les enfants des bidonvilles de Marseille, Gisèle devient cheftaine des louveteaux de Grignan en 1959. Au bout d’une année, elle arrête cet engagement pour mieux s’investir au centre La Bécède, en Lozère. Ce centre de vacances organise des colonies destinées avant tout aux enfants des mineurs de La Grand-Combe. Pendant 10 ans, Gisèle y met à profit ses talents d’animatrice et d’organisatrice acquis chez les éclaireuses … et y rencontre son mari, Daniel Timmermans avec qui elle aura deux filles, Marianne et Sylvie.

Elle devient enseignante – un métier pour lequel le scoutisme l’aide énormément. Travail en équipe, bienveillance et encouragement, recherche d’une méthode à la fois adaptée à tous et à chacun sont autant de points communs aux deux univers. Gisèle varie les activités et organise des sorties à la journée, ce qui est novateur pour l’époque. « Service, bienveillance et joie » sont les mots qui illustrent et résument l’amour qu’elle porte à son métier.

Gisèle déménage plusieurs fois : en Saône-et-Loire, à Clermont-Ferrand, Lyon, Paris … A partir de 1983 et jusqu’en 2015, elle s’engage dans le mouvement féminin de l’Armée du Salut. A Paris, elle s’investit dans « Le Palais de la Femme », un établissement dédié à la prévention de l’exclusion sociale et à l’insertion des femmes. Elle participe à différents groupes d’écoute et de partage, propose des sketchs et écrit des articles dans le journal La Rose Blanche. En parallèle, elle est scénariste bénévole pour Tournesol, un journal de bande dessinée chrétienne. A Lyon, elle s’implique dans différentes associations : Entraide protestante, Aumônerie, Croix-Rouge, Arche de Noé, et toujours Armée du Salut.

Aujourd’hui, Gisèle sait que le scoutisme lui a permis de renforcer ses aptitudes. « J’étais déjà d’un naturel sociable. Le scoutisme, c’est une leçon de sociabilité. Ça va avec la façon dont je vois la vie ! » Engagée et à l’écoute des autres, aux éclaireuses autrefois ou en tant que visiteuse de la paroisse de Bancel aujourd’hui, elle donne le meilleur d’elle-même.
La rencontre se termine. Sur la table, trois carnets de chants écrits à la main, du temps où elle était éclaireuse. Gisèle a toujours aimé chanter et, encore aujourd’hui, les chants d’éclaireuse résonnent dans sa tête quand elle randonne sur les chemins du Pilat ou des Cévennes.

Céline Trocmé-Fourcaud
Rencontre le 25/02/2020 à Lyon